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Une expérimentation pour faciliter l’achat innovant des entités publiques

Dernière mise à jour : 26 juin 2020

Le gouvernement et les pouvoirs publics ont créé en France un écosystème particulièrement favorable à l’innovation, que ce soit en termes de structure d’accompagnement ou de financement. Si l’on raccourcit à l’extrême, l’objectif affiché est de faire émerger sur les marchés de nouveaux produits, procédés ou encore services, créateurs de valeurs et bénéfiques pour l’économie française. Mais les entités publiques bénéficient-elles aussi de ces innovations dans une double logique d’amélioration des services publics et de diminution la dépense ? Autrement dit, l’état sort il de son rôle de financeur / facilitateur pour devenir un acteur de l’innovation au service de ses propres besoins ?


Le constat n’est pas très positif et pour y remédier, une expérimentation, encore assez méconnue, a été mise en place l’année dernière (décret n°2018-1225 du 24 décembre 2018) afin de favoriser la pénétration des innovations dans le secteur public. Le principe est simple : en cas d’acquisition de solution innovante, les entités publiques peuvent conclure des marchés négociés sans publicité ni mise en concurrence pour des besoins dont la valeur est inférieure à 100 000 euros HT. Cette expérimentation doit durer au moins jusqu’en décembre 2021, date à laquelle elle sera évaluée.

La Direction des Affaires Juridiques (DAJ) a précisé en 2019, dans un guide dédié (Guide de l’achat innovant V1, DAJ/OECP, 2019), la méthodologie à retenir afin de s’assurer du caractère innovant des solutions entrant dans le champ d’application de l’expérimentation. Sans grande surprise, la DAJ s’est appuyée sur le manuel d’Oslo rédigé par l’OCDE (Principes directeurs pour le recueil et l’interprétation des données sur l’innovation, 3e édition, OCDE, 2005), qui définit l’innovation et les concepts associés (« nouveauté », « sensiblement amélioré », etc.). Cependant, la DAJ, estimant qu’il était compliqué de laisser les acheteurs publics devant de simples définitions, a privilégié une approche par faisceau d’indices : elle a ainsi listé plusieurs questions, et ce n’est qu’après avoir étudié, dans leur ensemble, les réponses à ces questions, que l’acheteur pourra apprécier au plus juste le caractère innovant de la solution qu’il compte acheter, et ainsi l’applicabilité des règles de l’expérimentation. Ces indices doivent notamment concourir à mettre en lumière si :

  • La solution est nouvelle ou sensiblement améliorée ;

  • La solution est plus performante que d’autres sur le marché ;

  • La nature de la solution est compatible avec les règles édictées ;

  • L’entreprise de manière générale peut être qualifiée d’innovante.  


De notre expérience, les acheteurs ne sont pas encore suffisamment familiers avec les définitions de l’innovation retenues dans la commande publique, et ne sont donc pas toujours enclin à favoriser ce type d’expérimentation (constat également vrai pour d’autres formes d’aménagement de la commande publique comme le partenariat d’innovation).

Les exigences de justification sont par ailleurs importantes, et en cas de contentieux, l’entité publique doit démontrer que le marché n’a pas été conclu en méconnaissance des principes de la commande publique, et il lui est ainsi conseillé de conserver une trace des éléments ayant motivé sa décision, notamment les démarches préalables effectuées afin d’apprécier le caractère innovant de son achat. De manière à éviter les allers-retours infructueux entre les opérationnelles, services juridiques et direction achat de l’entité publique, il est préférable que la société puisse fournir directement un argumentaire et des preuves soutenant le caractère innovant de sa solution. Après tout, elle est la mieux placée pour apporter ces informations.


Cette expérimentation change sensiblement les relations entre acheteurs publics et sociétés proposant des solutions innovantes. Pour garantir son succès il est essentiel que les entités publiques multiplient les initiatives visant à identifier des solutions pertinentes et innovantes (sourcing, rencontres dédiées voire hackathons), qu’elles réalisent ces actions directement ou par le biais d’intermédiaires. De leur côté, les entreprises innovantes ne doivent pas hésiter à favoriser les rencontres avec les acteurs publics qui les intéressent (ce qui n'est certes pas toujours simple mais de plus en plus possible), tout en ayant préalablement pris soin de préparer un argumentaire adéquat sur l'applicabilité de cette expérimentation, ce qui ne manquera pas de rassurer l'acheteur. 

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