IP Box et SaaS : comment estimer le montant de la licence ?
- Adrien Brazier

- il y a 3 jours
- 5 min de lecture
Dans un modèle SaaS ("Software as a Service"), le prix d’abonnement regroupe généralement plusieurs éléments : la mise à disposition du logiciel, son hébergement, la maintenance et parfois un support utilisateur.
Pourtant, pour l’IP Box, une seule composante compte réellement : la part du prix qui rémunère le droit d'exploiter ou utiliser le logiciel, autrement dit la licence.
Isoler cette part n’est pas toujours évident. Le contrat prévoit la plupart du temps un prix global, et la frontière entre licence et services peut sembler difficile à tracer. Mais c’est un point essentiel : cette distinction conditionne directement l’éligibilité au régime IP Box et l’application du taux réduit.
Cet article a un objectif simple : expliquer, concrètement et sans complexité, comment un éditeur SaaS peut identifier, valoriser et justifier la part attribuable à la licence de son abonnement et éviter les erreurs les plus fréquentes.
1. Pourquoi la part de licence est centrale dans un modèle SaaS
L’enjeu juridique : le droit d’usage comme base de l’IP Box
L’IP Box repose sur un principe clé : l’entreprise doit concéder un droit d’exploitation sur un logiciel dont elle reste propriétaire.
Il est important de noter que la notion d’exploitation s’entend dans un sens très large, à savoir lorsqu’une entreprise octroie au licencié le droit de produire et commercialiser des biens et services mais aussi le droit d’utiliser le logiciel pour ses besoins propres (donc pour un usage interne). On parlera donc indifféremment de droit concession de droit d'exploitation ou d'utilisation.
Dans un modèle SaaS, ce droit existe, même s’il n’est pas toujours formulé explicitement dans le contrat ou dans les conditions générales d'utilisation (CGU). C’est cette concession et uniquement celle-là qui ouvre droit au taux réduit.
A noter qu'il nous semble important que cette concession soit matérialisée contractuellement ou à minima dans les CGU, sans quoi l'administration pourrait contester l'application du dispositif IP Box lors d'un contrôle.
L’enjeu économique : la licence comme cœur de la valeur
Sur le plan économique, la licence représente la rémunération de l’actif logiciel lui-même : non seulement les efforts nécessaires à sa conception et à son développement, mais aussi la valeur patrimoniale liée à sa détention par l’éditeur.
Elle couvre ainsi :
sa conception et son développement,
sa maintenance évolutive,
sa valeur d’usage pour l’utilisateur
et la propriété intellectuelle que l'éditeur continue d'exploiter.
Les autres composantes (hébergement, support, maintenance corrective, etc.) sont nécessaires mais accessoires.
Isoler la part de la licence permet ainsi de clarifier la construction du prix et de justifier l’assiette éligible à l’IP Box.
2. Comment isoler la part de la licence dans le prix d’abonnement ? (3 méthodes simples)
Méthode 1 : méthode du prix comparable sur le marché (benchmark)
Cette méthode consiste à déterminer le montant de la redevance par le biais d’une étude de comparables, c’est-à-dire de transactions similaires réalisées entre parties indépendantes (i.e. pas entre sociétés d'un même groupe) :
logiciels similaires vendus en licence seule,
SaaS qui distinguent licence et services,
benchmarks type "prix de transfert" réalisés via des bases de données spécialisées (ex. https://www.royaltyrange.com/). Il est recommandé de faire appel à un spécialiste pour ce type d'étude, complexes à réaliser.
Cette approche est souvent privilégiée par l’administration fiscale, qui apprécie la solidité d’une analyse fondée sur des comparables de marché. Encore faut-il pouvoir identifier des références réellement pertinentes : même modèle d’exploitation, périmètre fonctionnel comparable, conditions contractuelles similaires, secteur d’activité proche…
Des comparables trop éloignés perdent en crédibilité et affaiblissent la méthode.
Méthode 2 : méthode du bénéfice résiduel
Cette approche vise à déterminer la redevance en tenant compte des différentes contributions internes à la création de valeur du logiciel. Le profit global généré par l’exploitation du logiciel est décomposé en deux étapes :
Une rémunération normale est attribuée aux fonctions standard, telles que la distribution,
le support client et la maintenance, sur la base des marges observées dans l’industrie pour ces activités ou d'une marge de routine de 5%.
Le profit résiduel, après rémunération de ces fonctions, est affecté à la propriété intellectuelle, reflétant ainsi la valeur ajoutée apportée par la détention du logiciel et les efforts de R&D qui ont permis son développement.
De manière plus concrète les étapes suivantes peuvent être effectuées :
exclusion du chiffre d’affaires non lié au logiciel éligible. Ce chiffre d’affaires peut, par
exemple, concerner des ventes de matériel, d’autres prestations de services ;
déduction des coûts directs et indirects (inclus dans les comptes d'exploitation 60 à 65) relatifs au chiffre d'affaires éligible, à l'exception des coûts de R&D (qui seront déduits par la suite dans le calcul du résultat net), augmentés d'une marge de routine de pleine concurrence ;
exclusion des revenus qui peuvent être alloués à d'autres droits de propriété intellectuelle (la marque par exemple) ;
le montant résultant est réputé être la part attribuable à la licence.
Cette approche fonctionne souvent bien en pratique, notamment pour les entreprises dont la seule activité est liée au logiciel, ou les entreprises qui disposent d'un analytique précis.
Méthode 3 : l’analyse des coûts internes
A défaut de pouvoir mettre en place les deux méthodes précédentes, une approche basée sur les coûts peut être retenue. Elle consiste à ventiler les coûts entre :
coûts liés au logiciel : R&D, évolutions, versioning (éligibles) ;
coûts liés aux services : support, hébergement, exploitation (non éligibles).
Une marge cohérente, si possible issue d'un benchmark proprement documenté, est ensuite appliquée sur chaque ligne de coûts pour reconstituer un prix cohérent, et ainsi isoler le montant attribuable à la licence.
La marge appliquée doit refléter le niveau de risque et de valeur ajoutée lié à l’exploitation du logiciel.
3. Les erreurs fréquentes qui fragilisent l'implémentation du dispositif IP Box
Un contrat flou ou incomplet
Sans mention explicite de concession d’un droit d’utilisation, l’administration peut considérer que tout l’abonnement rémunère une prestation de services.
Une clause spécifique à la PI stipulant que l'entreprise éditrice du logiciel SaaS conserve les droits associés et qu'elle concède un droit d'utilisation doit apparaître dans les contrats, les CGU ou les CGV.

Attribuer 100 % du prix à la licence
Même si le logiciel est au centre de l'activité principale de l'entreprise, ses autres composantes ont une valeur économique. Une valorisation trop élevée de la licence peut être jugée non réaliste et est souvent remise en cause par l'administration fiscale en cas de contrôle.
Absence de méthode documentée
La démarche choisie doit être expliquée et doit pouvoir être réconciliée avec la comptabilité de l'entreprise : sources utilisées, hypothèses, comparables.
Pour en savoir sur les obligations documentaires en matière d'IP Box, lisez notre article dédié.
Oui : un SaaS peut être éligible à l'IP Box
Le fait que l'entreprise ait choisi un modèle économique de type SaaS pour commercialiser son logiciel n'est pas un frein à l'implémentation du dispositif IP Box.
La clé n’est pas de transformer le modèle économique, mais de clarifier la valeur réelle du logiciel, de documenter la méthode retenue et de sécuriser les mentions contractuelles.
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